Théorie du complot.
Les jeunes particulièrement vulnérables
Pour 38% des jeunes Français, les groupes djihadistes tels que Daech sont « en réalité manipulés par les services secrets occidentaux.» © Fotolia.
Les 18-24 ans sont particulièrement vulnérables face aux théories du complot, si l’on en croit une nouvelle étude réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch. Quatre jeunes sur cinq croient à l’une des théories complotistes énumérées. Pierre-André Taguieff (1) explique ce phénomène par l’arrivée des réseaux sociaux. Entretien.
Comment expliquer que les jeunes de 18-24 ans soient plus touchés par le complotisme que leurs aînés ?
C’est sans aucun doute dû à la culture internet et surtout à celle des réseaux sociaux.
Sur ces plateformes, la distinction entre le vrai et le faux s’efface.
C’est un véritable phénomène générationnel, on observe que les personnes nées avant les années 1990 sont moins perméables aux théories du complot.
On est passé de petits groupes sectaires qui produisaient de la littérature conspirationniste dans leur coin au XXe siècle au très haut débit d’aujourd’hui.
Dans un monde aussi médiatique que le nôtre, les réseaux sociaux amplifient encore plus la théorie du complot. Ils lui donnent même un parfum de véracité.
La seule théorie du complot qui n’a pas la cote parmi les jeunes est celle du réchauffement climatique, pourquoi ?
Qu’est-ce qu’une théorie du complot ?
Quand on parle d’une théorie du complot, on puise dans notre imaginaire, ces histoires ont quelque chose de fantasmatique.
Pour les créer, les théoriciens prennent appui sur des rumeurs, elles n’ont pas d’auteur défini.
Les grandes théories du complot se basent toujours sur des zones d’ombre.
L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy est le paradigme des complots au vue de ses nombreuses zones d’ombre.
Il y a également les grandes thèses conspirationnistes, comme le complot juif mondial.
Cette théorie s’adapte à la conjoncture du contexte historique du XIVe siècle, au moment des épidémies de peste attribuées aux personnes juives. Ce mythe va s’étendre au XVIIIe dans le monde.
C’est ainsi qu’est né le livre Les Protocoles des sages de Sion, ce fut un best-seller à l’époque.
Qu’est ce qu’une théorie du complot qui fonctionne ?
Une théorie du complot va séduire si elle est construite sur des faits populaires, qui vont frapper l’opinion publique. Il faut également qu’il y ait une part de mystère dans les faits, des zones obscures que les gens ne soient pas en mesure de comprendre.
Une théorie du complot doit également être crédible, avec une part de vraisemblance.
Il y a souvent du vrai et du faux dans la théorie, c’est justement ce qui est dangereux.
La législation d’Emmanuel Macron sur les fake news peut-elle réduire ces théories ?
Je suis très sceptique sur ce genre de législation, car la définition des fake news est élastique.
Il est difficile de définir des contextes et légiférer sur du flou est impossible.
Lorsque le groupe n’est pas défini, que peut-on faire ? Doit-on criminaliser l’erreur ou l’inexactitude ? Cette purification de l’opinion me semble naïve et démagogique.
Comment prévenir les jeunes contre ces théories du complot ?
Il doit y avoir une discussion critique avec les jeunes. Je pense que la société doit se mobiliser sur le sujet. C’est la question de l’éducation qui est posée.
On ne peut pas laisser la jeune génération se diriger vers ce type d’idées.
Dans les écoles, l’intervention du journaliste est aussi importante que celle des parents et des professeurs. Les journalistes sont les plus stigmatisés sur les sites complotistes. Selon les théoriciens, ils sont des menteurs professionnels et dilvulgent de fausses informations. Les sites conspirationnistes pensent être les seuls porteurs de la vérité. Cela est inquiétant parce que les jeunes délaissent de plus en plus les médias traditionnels.