Face à un traitement injuste, un manque de respect, de l’incompétence, nous avons tous déjà pété un plomb au travail ou eu très fortement envie de le faire. Dans le monde professionnel, nos colères peuvent avoir du bon et du moins bon ! Comment les exprimer dans une juste proportion ? Les conseils de Jérôme Frizzera-Mogli.
“Hier, j’étais verte. Stéphanie m’a piqué mon idée en réunion. J’ai pété les plombs.
Aujourd’hui, je ne suis pas fière. La RH me présente une coach pour mieux gérer ma colère.
Je la rencontre. Je suis bouche bée quand elle me dit :
– « Hulk et Barbapapa, vous connaissez ? »
Je réponds sèchement :
– « Oui, j’ai des enfants. » Qu’est-ce qu’elle m’agace…
Elle continue :
– « Hulk subit sa colère. Il est vert de rage. Il devient très fort mais casse tout. Barbapapa utilise sa colère. Il choisit sa transformation et demeure rose, il reste lui-même et garde le contrôle. Vous choisissez d’être qui ? »
J’ai choisi d’être Barpapapa. Et vous ?”
Pour être un Barbapapa et réussir à bien gérer vos colères au travail, voilà mon mode d’emploi : prenez vos distances avec votre colère et prenez-en soin.
1) Prenez vos distances avec votre colère
Un collègue qui rentre dans une colère noire, qui se met à hurler et envoie tout balader, qui « pète un câble », comme on dit trivialement… Voici une scène dont nous avons tous été témoins au moins une fois au travail. Des conseils pour faire face à l’agression verbale et au malaise qui en découle…
Si la colère peut avoir du bon, elle a surtout du moins bon.
Le bon de la colère
Le personnage de Hulk en dit long. Pourquoi s’énerve-t-il ? Il disjoncte littéralement quand il se sent agressé. La colère le (nous) transforme physiquement pour le (nous) préparer à l’action.
En effet, nous changeons de couleur. Nous devenons rouges (pas verts). Nos muscles se tendent et sont nourris en oxygène par le cœur qui s’accélère. Nous sommes maintenant prêts à répondre à l’agression.
Le moins bon
Premièrement, la colère est un mécanisme de défense biologique qui assure avec succès notre survie depuis des milliers d’années. Ce mécanisme est donc encodé génétiquement comme mécanisme d’adaptation. Or, aujourd’hui, dans un contexte policé comme l’entreprise, il peut générer des comportements inappropriés basés sur une perte d’analyse critique. La sagesse populaire nous le rappelle : « la colère est mauvaise conseillère. »
Deuxièmement, si Hulk devient très fort, il perd aussi tout contrôle et casse tout. C’est l’effet secondaire. La colère fait des dégâts : rupture relationnelle, de communication, envie de vengeance.
Troisièmement et surtout, la colère engendre la colère : c’est mettre de l’huile sur le feu. C’est l’effet d’embrasement. L’autre nous répond en colère parce que nous sommes nous-mêmes énervés, ce qui généralement crée un cercle vicieux.
Les mots peuvent alors dépasser notre pensée.
C’est l’insulte au bureau, facilitée par l’instantanéité de l’e-mail. L’insulte laisse des traces humaines (qui aime se faire insulter ?) et c’est une infraction pénale.
Pire que l’insulte, c’est le bris de matériel ou l’agression sur le lieu de travail.
Inutile de préciser que dans de pareils cas, la sanction disciplinaire ou le licenciement est une possibilité.
Alors, en pratique, que pouvons-nous faire pour ne pas passer du côté obscur de la colère ?
En prenant le contrôle sur elle avant qu’elle ne nous contrôle.
Voici un exercice tout simple.
Dites : « J’ai une colère et non pas je suis en colère. »
C’est une mise à distance de facto de la colère.
La colère n’est pas vous, la colère est à vous, elle vous appartient.
Maintenant, qu’est-ce que vous en faites ? C’est votre choix.
Personnellement, j’imagine que ma colère est un animal familier. Il est à moi et je l’aime. Qu’est-ce que j’en fais ? J’en prends soin.
2) Prenez soin de votre colère
Comment ? Je vous propose deux types de soins : les soins superficiels et les soins essentiels.
Les soins superficiels
Avec les soins superficiels, j’exprime ma colère. Je ne la nie pas. Je ne ressasse pas, je n’explose pas. Dans l’expression de cette colère, je cherche la mesure, la proportion.
Concrètement ?
Imaginez que vous organisez une réunion. Un collègue arrive en retard, ce n’est pas la première fois. Suite à la réunion, vous êtes énervé(e) par son attitude et vous décidez de le lui dire.
– Tout d’abord, visez un comportement factuel et non pas une « identité jugée » :
Par exemple, préférez « Tu étais en retard » à « Tu n’es pas fiable. »
– Ensuite, bannissez-les « jamais, toujours » :
Par exemple, préférez « Aujourd’hui, tu étais en retard et ce n’est pas la première fois » à « C’est toujours pareil, tu n’es pas fiable. » Vous ressentez la différence ?
– Enfin, vous pouvez utiliser des mots magiques comme « j’ai l’impression. »
Cela n’engage que vous, c’est juste votre avis qui va favoriser une conversation, et non pas un jugement qui va provoquer une réaction automatique de défense :
Par exemple, vous pouvez dire : « Aujourd’hui, tu étais en retard à la réunion et ce n’est pas la première fois, j’ai l’impression que tu ne prends pas le projet au sérieux. »
Et gardez toujours un joker. Si vous vous sentez monter en pression ou si vous sentez que l’autre dérape, mettez un terme à la discussion, pour la reprendre plus tard.
Les soins superficiels ont l’avantage de leurs inconvénients. Ils soulagent mais ne traitent pas l’essentiel. Alors comment faire ?
Les soins essentiels
Tournons-nous du côté de la Communication Non Violente (CNV). Elle distingue dans la colère le fait générateur de la cause.
Le fait générateur : c’est l’autre ou un fait extérieur.
La cause : c’est moi.
C’est donc moi qui suis la cause de mes colères. Le fait générateur, l’autre, n’est que la mèche ; moi, je suis la bombe. Traiter le fait générateur, « éteindre la mèche », ne désamorce pas la bombe. Elle est toujours là, prête à exploser.
La cause de nos colères prend souche dans les idées que nous nous faisons sur le monde : nos valeurs, conscientes ou inconscientes, nos croyances, fondées ou non…
Or, nos pensées évaluent en permanence l’écart entre ces idées et le comportement d’autrui. Si nous constatons un écart, nous nous énervons.
En pratique, que pouvons-nous faire ?
– Tout d’abord, clarifier nos propres croyances et valeurs.
Dans l’étude « Anger In the Work place » Pourquoi se met-on en colère au bureau –, l’auteur J. Fitness révèle le top 5 des raisons des colères au bureau :
– Nous sommes injustement traités (44%)
– Nous constatons un comportement amoral (23%)
– Nous sommes confrontés à de l’incompétence (15%)
– On nous manque de respect (11%)
– Nous subissons une humiliation en public (7%)
Derrière ces motifs exprimés, il y a des croyances ou valeurs non respectées. Et vous, qu’est-ce qui vous énerve le plus ?
– Ensuite, osez demander à l’autre de participer au soin de vos valeurs. Comment ? En privilégiant la formule « j’ai besoin de » et en rajoutant « parce que », qui vous déculpabilisera et augmentera votre pouvoir de conviction.
Par exemple : « j’ai besoin que tu me répondes à mes mails, parce que dans le cas contraire, je me sens ignoré. »
« La colère a ses raisons que la raison ne connaît pas. »
Ne la niez pas.
Tendez-lui la main pour mieux vous connaître. C’est bon pour vous.
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